Pour Anne-Laure H-BLANC
En pensant aux bois flottés suspendus dans son Atelier à VARCES
et à tous ses incessants travaux d'encre et d'eau
qu'elle partage avec les poètes et les apprentis graveurs...
"Quand la mer se retire, je vois des estivants, parents et enfants, s'avancer jusqu'à la plage qui s'allonge mètre après mètre jusqu'à rendre la mer au loin à peine perceptible, elle se confond avec le ciel. Ils vont à la recherche de coquillages dont les enfants feront collection, comme d'autant de bijoux précieux, ils ramassent des coques, des palourdes comme on cueille des fruits sur l'arbre, ils font provision de moules qu'on fera cuire pour le repas du soir.
Je me dis que ces coquillages, ces coques, ces palourdes, ces moules en grappes, ces bouts de bois rongés par le sel marin, ces morceaux de corde tombés d'un bateau de pêche, figurent ce qui est déposé dans ma mémoire : de petits restes - comme ils me sont précieux ! - qui seront tout à l'heure recouverts par la marée haute mais qui réapparaîtront, ceux-là ou d'autres, quand la mer à nouveau se retirera.
Marée basse, marée haute, cette alternance est à l'image de ma vie, de toute vie peut-être.
J'attends que les vagues atteignent la plage pour aller à leur rencontre. Aussitôt je plonge dans l'eau, je nage, la mer m'enveloppe et me porte. Je suis dans un corps vide de pensées, un corps souple, actif, retrouvé. Je suis tout entier dans le présent. Je n'ai plus d'âge. "
J.B PONTALIS [15 Janvier 1924- 15 Janvier 2013]
... Avril 2013, Gallimard,p. 135-136